C’est un bouillonnement intérieur, une agitation qui nous saisit, le coeur qui s’emballe, le rouge qui colore notre visage et nos pensées...
Et l’envie de crier qui nous monte aux lèvres...
Mais que faire de sa colère ?

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 Manifester la colère ?

La colère est une émotion primaire, comme la tristesse, la joie, la peur...
Tous les êtres humains la partagent, mais tous ne l’expriment pas de la même façon.
On distingue aussi la colère de l’agressivité, qui est plus de l’ordre du tempérament. La colère est donc l’émotion qui traduit l’agressivité.

Cette agressivité, que l’on qualifie de saine, est considérée comme une donnée utile pour vivre, car elle permet de se défendre et donc de se faire respecter. Faire preuve d’agressivité, à une dose normale (!), c’est avoir conscience de soi et défendre son intégrité comme son territoire.
Elle est également une pulsion vitale. Un nourrisson réclamera par exemple à manger à ses parents, en poussant des cris de colère terribles, qui réveilleront ses parents au beau milieu de la nuit. Il exprime là un besoin vital.

Manifester sa colère est donc un symbole de survie, psychique comme physique.

 Six émotions primaires

Le naturaliste anglais Charles Darwin avait établi la liste des émotions “primaires” :

  • la joie,
  • la colère,
  • la tristesse,
  • la peur,
  • la surprise et
  • le dégoût.

Toutefois de nombreux psychologues retiennent surtout les quatre premières.

Pour mériter le titre de primaire, une émotion doit être universelle, reconnaissable au premier coup d’oeil, ponctuelle et entraîner des répercutions physiologiques (le cœur bat plus ou moins vite, les joues rougissent, la respiration change, les muscles sont tendus ou détendus, etc.).
De plus, elle doit être présente aussi chez nos cousins les grands singes.

D’autres chercheurs ajoutent à la liste, la honte, la culpabilité, le bonheur, la fierté, qui s’accompagnent aussi d’expressions faciales caractéristiques.

Cependant, l’amour ne saurait y figurer, car cette émotion ne se traduit par aucune mimique, ne se lit pas sur le visage...
D’où la question rituelle “Est-ce que tu m’aimes ?” !

 Une émotion régulatrice

Les émotions sont des énergies qui nous mettent en mouvement.
Chacune déclenche des réactions physiologiques qui nous préparent à un certain type d’action :

  • La peur nous prépare à la fuite,
  • la dépression à la conservation de l’énergie,
  • la joie à l’accueil de l’autre,
  • etc.

Et, de toutes les émotions, la colère est l’une des plus énergisantes. Elle nous invite à la défense du territoire, des êtres proches, de tout ce qui compte pour nous. C’est une énergie qui nous donne de la force, affirme notre valeur. Mais si elle permet de booster l’ego, elle a tendance à mettre en danger les relations. Il faut parfois des années pour réparer les conséquences d’une colère avec un ami. Et avec un inconnu, on peut en venir aux poings, cela peut même se terminer à coups de couteau... et à l’hôpital.

Ce n’est pas par hasard si la colère est souvent l’attribut des puissants. Attila avait des colères légendaires. Plus près de nous, l’ex-président américain Bill Clinton et, en France, Nicolas Sarkozy ont eu des excès du même type. Ils peuvent se le permettre, leurs collaborateurs ne les quitteront pas pour cela : la relation est sous contrainte.

De fait, dans nos vies à nous — communs des mortels —, nous choisissons fréquemment d’aller puiser en nous l’énergie de la colère et de l’exprimer contre ceux qui ne peuvent pas nous quitter : nos partenaires et nos enfants. Nous nous permettons à leur endroit des mots que nous n’oserions jamais employer envers d’autres : « Je n’en peux plus de ta paresse. Tu es vraiment trop nul ! » Pas de quoi être fiers de nous.

Pourtant, la colère est importante. Un groupe de singes ne survit que si, de temps en temps, l’un d’entre eux est remis à sa place parce qu’il a volé ou blessé l’un de ses congénères.
La colère est — aussi — une formidable régulatrice.

 Les types de colère

Toutes ces émotions de base, la peur, la joie, la colère.... ont été canalisées dans notre enfance. Les parents, l’école, l’entourage apprennent aux enfants à rendre ces émotions acceptables par la société. C’est pourquoi beaucoup savent aujourd’hui contrôler leur colère. Mais chez d’autres, l’éducation a parfois été si forte, si rigide que les émotions de l’enfant ont tout simplement été niées. L’enfant, et donc l’adulte en devenir, n’est plus en contact avec lui-même et ne sait pas exprimer ses ressentis, sinon sous une forme pathologique.

Certains ont pourtant du mal à se mettre en colère alors que d’autres ne cessent de hurler...

Les traductions pathologiques de la colère se déclinent sur quatre registres différents :

  • La colère étouffée, disparue
    Ce sont les gens qui sont incapables de se mettre en colère, qui ne savent jamais se défendre.
  • La colère rétro-réfléchie
    Au lieu de l’exprimer, on enferme sa colère et on la retourne contre soi. Cela peut avoir des conséquences psychosomatiques graves (ulcères...).
  • La colère défléchie
    C’est une colère déviée sur autre chose que son vrai but. En colère contre sa femme, un mari s’en prendra plutôt aux enfants. C’est trouver un exutoire à sa colère, mais pas le bon.
  • La colère hypertrophiée
    Une colère trop forte, toujours dans l’excès, disproportionnée par rapport à sa raison, et qui peut pousser l’individu à des actes de violence.

Mais attention, nous parlons de pathologie quand une personne exprime (ou non) sa colère sur un seul de ces quatre modes, et toujours le même.

 Test : Qu’est-ce qui vous met en colère ?

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Pourquoi sortez-vous de gonds ?
Et contre qui :

  • vous même ?
  • les autres ?
  • le monde ?
  • ses injustices ?
  • ses absurdités ?

Ce petit test va vous permettre d’identifier la source de vos colères pour mieux apprendre à les apprivoiser.

Cochez pour chacune des 10 questions suivantes, la bonne réponse (une seule) pour vous.

  • 1. Au restaurant, un serveur ne fait pas attention à vous. Votre première pensée :
    Il m’a oublié
    Il se fiche de moi
    Il fait mal son boulot
  • 2. Pour calmer vos colères :
    Vous en parlez à quelqu’un ou écrivez ce que vous ressentez
    Vous essayez de penser à autre chose ou vous vous absorbez dans une activité
    Vous vous mettez à l’écart pour vous détendre et pour réfléchir
  • 3. Vers quoi pourraient vous pousser vos colères, à la longue ?
    La parano (« Je ne peux faire confiance à personne »)
    La déprime (« Quelque chose ne va pas en moi »)
    La misanthropie (« Bande de nuls ! »)
  • 4. Votre devise :
    « Je veux que l’on m’aime »
    « Je m’en fiche que l’on m’aime, je veux juste que l’on me respecte »
    « Je ne veux pas juste que l’on m’aime, je veux aussi que l’on me préfère »
  • 5. Un ami ne vous rappelle pas malgré vos messages...
    Vous vous interrogez sur vous : « Qu’est-ce-que j’ai fait de mal, que me reproche-t-il ? »
    Vous vous énervez contre lui : « Il pourrait faire un effort ! »
    Vous êtes déçu : « Finalement, on ne peut pas compter sur les autres... »
  • 6. Si votre colère est allée trop loin, que vous avez eu des mots durs :
    Vous êtes en colère contre ce qui vous a mis dans cet état
    Vous vous sentez gêné envers la personne qui a subi votre humeur
    Vous avez peur que cela soit irrémédiable, que la relation soit endommagée, perdue
  • 7. Sur une plage tranquille, une famille très bruyante vient se coller à vous. Vous vous dites :
    Bon, je n’ai plus qu’à aller me mettre un peu plus loin...
    Je vais leur demander s’ils ne veulent pas s’installer sur ma serviette !
    Je vais les faire fuir en simulant la folie : insulter mes orteils, faire des bruits bizarres avec ma bouche...
  • 8. Vous avez été témoin d’une injustice et n’êtes pas intervenu. Vous vous dites :
    Pourquoi personne n’a bougé ?
    Pourquoi n’ais-je rien fait ?
    Pourquoi les humains sont-ils si violents et méchants ?
  • 9. Ce qui vous a mis récemment le plus en colère à votre travail :
    Une injustice : un collègue moins compétent a été promu à votre place
    Un blocage : vous avez été empêché de parler en réunion
    Un échec : vous n’avez pas trouvé la solution à un problème professionnel
  • 10. Ceux qui vous mettent le plus en colère :
    Les arrogants (qui prennent le monde de haut)
    Les égoïstes (qui n’accordent pas d’attention sincère aux autres)
    Les tricheurs (qui prennent les autres pour des idiots)

 La source de votre colère...

 Pour l’apaiser...

 En conclusion

Peut-on apprendre de ses colères ?
Bien sûr !
Nos colères, comme toutes nos émotions, nous parlent constamment. Il faut donc apprendre à les écouter et à les décrypter.

Il est tout d’abord intéressant de comprendre le “comment”. Comment on se met en colère, comment elle se manifeste.

Ensuite, il faut s’attacher au “pour quoi”. Ces deux mots sont sciemment séparés, car si l’on trouve facilement le déclic qui a provoqué notre ire, on n’en distingue pas forcément l’objectif :

  • Que veut-on exprimer à travers notre fureur ?
    — La frustration de celui qui est persuadé qu’il ne vaut rien affectivement et qui n’a trouvé que ce langage pour se faire remarquer ?
    — Un sentiment d’injustice très fort à chaque petite remarque formulée, sentiment qui vient tout droit de l’enfance ?
  • Et que veut-on exprimer quand on n’ose pas se mettre en colère ?
    — La peur de mettre l’autre en colère à son tour, de ne plus en être aimé et de le perdre ?

Cette démarche est forcément complexe (et il peut d’ailleurs être utile de se faire aider par un thérapeute), mais elle est riche car il faut tout d’abord comprendre et reconnaître sa colère, pour la libérer et s’en libérer.

La colère est puissante, dangereuse ou salvatrice...
Et pour être pleinement humain, il faut apprendre à la maîtriser.

P.-S.

  • D’après un test établi par Christophe André, psychiatre et psychothérapeuthe comportementaliste.
  • Et une lecture de “Vouloir sa vie” (Editions Retz, ISBN 272561001X) de Gonzague Masquelier, psychothérapeute didacticien et directeur de l’école parisienne de Gestalt.
  • Vous pouvez aussi lire “Cessez d’être gentil, soyez vrai !” de Thomas d’Ansembourg, Les Éditions de l’Homme, 2003, ISBN 2761915968.