Georges Feydeau

(1862-1921)

Il est le fils présumé de l’écrivain Ernest Feydeau et de Léocadie Boguslawa Zalewska, une Polonaise.
De ses propres déclarations, sa mère lui aurait révélé qu’il était le fils de Napoléon III...
D’autres sources indiquent qu’il serait le fils du demi-frère de l’Empereur, le duc de Morny, lui-même fils naturel du comte de Flahaut (qui était lui-même fils illégitime présumé de Talleyrand)...

C’est bien compliqué n’est-il pas ?
Mais ce que l’on retient surtout de cet auteur dramatique français, sont ses très nombreux vaudevilles !

Un Vaudeville

Une jeune femme qui attend « un maestro » se voit donner de bien étranges leçons de piano par un homme qui croit être chez une « actrice légère ».

Cette saynète, comme souvent chez Feydeau et chez Georges Courteline, s’articule autour des rapports hommes-femmes et de la difficulté qu’ils ont à se comprendre. En effet, Courteline et Feydeau parlent des relations de couples, du désordre amoureux et insistent sur l’incommunicabilité entre les sexes. Ceci est sûrement dû au fait qu’aucun des deux auteurs n’a réussi son mariage.
Par ailleurs, un autre thème sous-tend souvent leurs pièces : un personnage est troublé dans son quotidien ou dans sa recherche de tranquillité.

Le dérangement et le quiproquo sont à la base de leur comique. Si les problèmes de couples n’ont finalement pas beaucoup changé depuis un siècle, c’est que ces deux dramaturges dépeignent avec réalisme et humour les situations les plus folles.

Le spectateur se laisse happer par les quiproquos et les bouffonneries qui sont l’essence même du vaudeville.

Et si parfois la critique se fait acide et virulente, elle n’est pas sans nous rappeler que Courteline et Feydeau ont renouvelé le genre du vaudeville : ils sont les pères spirituels de Sacha Guitry et de Jean-Michel Ribes, qui à leur tour, ont pris goût à retracer les frasques conjugales au théâtre, souvent dans des pièces en un acte.

 La Comédie

Pièce en un acte représentée pour la première fois sur la scène au Théâtre de l’Athénée, le 28 janvier 1883.

Personnages
- Lucile (vingt ans) : Mlle Marie Bergé.
- Édouard : MM. Colombey.
- Baptiste, domestique : Regnard.

Scène
Un salon élégant. Porte d’entrée au fond.
À gauche, une cheminée.
À droite, premier plan, une porte. À droite, second plan, un piano.
Chaises, divans, tables, etc.

 Scène première

Baptiste, Lucile.
Baptiste range sur le guéridon. Lucile, assise au piano fait des gammes aussi rapides que possible.

BAPTISTE, après avoir écouté le jeu de Lucile, avec enthousiasme. – Ah bravo !... Je demande pardon à Mademoiselle, mais Mademoiselle fait l’ouragan d’une manière !... oh !

LUCILE. – Comment « l’ouragan » ? Ce sont des gammes.

BAPTISTE. – Moi, j’appelle ça l’ouragan, Mademoiselle...

Ça représente mieux à l’imagination ! tandis que « gamme », c’est bête, Mademoiselle. C’est le vent à la campagne à travers les portes. ( Il imite le sifflement du vent. ) C’est tout à fait ça.

LUCILE. – C’est possible, mais à Paris, on appelle ça des gammes.

BAPTISTE. – Cela ne m’étonne pas ! On a la manie de traduire tout en anglais.

LUCILE. – Allons, ne commence pas... Dis-moi, maman est-elle déjà partie ?

BAPTISTE. – Il y a un bon quart d’heure.

LUCILE. – Oh ! c’est égal, en voilà une corvée ! Tu ne sais pas où est allée maman ?

BAPTISTE. – Non.

LUCILE. – Devine !... elle est allée « comparoir »...

BAPTISTE. – Comparoir ?

LUCILE. – Oui, devant le Tribunal de la 9e Chambre correctionnelle.

BAPTISTE. – Madame en police correctionnelle ?...

LUCILE. – Oh ! rassure-toi, comme témoin seulement. Une affaire de cocher ! Insulte aux agents, je ne sais quoi, et impossible de remettre encore. Enfin, voilà comment elle est allée comparoir, maman.

BAPTISTE. – Oh ! c’est moi qui aimerais cela, à comparoir.

LUCILE. – En voilà une idée !... Tiens, laisse-moi étudier mon piano. Tu me fais perdre mon temps avec tes réflexions.

L’aimes-tu, au moins, le piano ?

BAPTISTE. – Oh ! quand c’est Mademoiselle qui en joue, je crois bien. Quand c’est moi, non.

LUCILE. – Comment, tu connais le piano ?

BAPTISTE. – Oui, Mademoiselle. Ma mère en avait un vieux au village.

LUCILE. – Allons donc ! Et tu t’en servais ?

BAPTISTE. – De garde-manger, oui, Mademoiselle. Au pays, nous n’avons pas les moyens de gâcher des pianos pour en faire des instruments de musique.

LUCILE. – Ah ! À propos de musique, il viendra tout à l’heure un monsieur. C’est un professeur de piano pour moi.

Un professeur très célèbre. Un maestro, comme l’on dit, « un maestro di primo cartello ».

BAPTISTE, avec un soupir. – Encore de l’anglais.

LUCILE. – Et original, paraît-il, comme on n’en voit pas. Il s’appelle... ah ! ma foi, je ne sais pas son nom, mais c’est un nom très connu.

BAPTISTE, cherchant. – Molière ?

LUCILE. – Mais non.

BAPTISTE. – C’est vrai, Molière, c’est un fabricant de fontaines en fonte, Molière.

LUCILE. – Enfin, n’importe ! Ce monsieur demandera si Madame est chez elle.

BAPTISTE. – Je répondrai que Madame est sortie.

LUCILE. – Non. Tu le feras entrer, c’est moi qui le recevrai.

BAPTISTE. – Comment, Mademoiselle, quand Madame n’est pas là ?

LUCILE. – Oui, c’est convenu avec maman. Il n’y a pas moyen de faire autrement. – Pense donc, un maestro ! on ne peut pas le prier de repasser comme un petit coureur de cachets. Quand on a rendez-vous avec un maestro, il faut être exact. Il n’y a qu’eux qui peuvent ne point l’être.

BAPTISTE, à part. – Tout le contraire d’un domestique.

LUCILE. – Enfin, c’est bien entendu ? Quand ce monsieur viendra, tu le feras entrer ; et maintenant, laisse-moi faire mes gammes.

Baptiste sort. Lucile se met au piano.

 Scène II

LUCILE, seule, assise au piano. – Do ré mi fa sol la si do, do si la sol fa mi ré do ré mi. Ouf ! que c’est aride ! et dire qu’il faut apprendre !... Aujourd’hui on ne vous épouse que lorsque vous savez jouer du piano. Il me semble pourtant que ce n’est pas pour cela qu’on se marie. Do ré mi fa sol la si do.

Les gammes surtout. Dieu ! que c’est ennuyeux !... Mais il paraît qu’elles délient les doigts... Comme si l’on ne pouvait pas être une bonne épouse sans avoir les doigts déliés. Je vous demande un peu !... Ah ! si les jeunes filles pouvaient parler librement... Je dirais tout simplement à celui qui voudrait m’épouser : « Monsieur, me voilà ! Je vais avoir vingt ans, je ne sais pas jouer du piano, mais je ne vous demande pas de savoir jouer de la flûte. Le mariage n’est pas un concert... c’est... c’est je ne sais pas bien ce que c’est...

mais enfin l’on ne se marie pas pour faire de la musique ! Si vous voulez m’épouser sans piano, voici ma main ! Si vous ne voulez pas, j’ai bien l’honneur de vous saluer... » Et voilà !...

Seulement, nous autres jeunes filles, il faut toujours nous sacrifier.

 Scène III

Lucile, Baptiste.

BAPTISTE. – Mademoiselle, c’est le monsieur ! le maestro, comme Mademoiselle dit, « qui prime l’eau, carpe à l’eau ».

LUCILE. – Ah ! le professeur !

BAPTISTE. – Voici sa carte.

LUCILE. – Édouard Lorillot. Tiens, c’est un drôle de nom.

Ah ! C’est bien ! fais-le entrer. À propos, est-on venu de chez Brandus ?

BAPTISTE. – Je ne crois pas, Mademoiselle.

LUCILE. – Passes-y tout de suite.

Lucile sort.

 Scène IV

Baptiste, puis Édouard, très élégant.

BAPTISTE. – Si Monsieur veut prendre la peine d’entrer !

Mademoiselle prie Monsieur de l’attendre un instant.

ÉDOUARD, très ému. – Ah ! Mademoiselle prie Monsieur d’att... Elle me prie de..., alors, vous lui avez remis ma carte ?

C’est très bien, mais, dites-moi, quand elle a vu mon nom, oui, qu’est-ce qu’elle a dit ?

BAPTISTE. – Elle a dit : Tiens, c’est un drôle de nom !...

ÉDOUARD. – Ah ! et voilà tout ?...

BAPTISTE. – C’est tout ce que j’ai entendu.

ÉDOUARD. – Je vous remercie.

Baptiste sort.

 Scène V

ÉDOUARD, seul. – Allons, décidément, je me lance. Je suis à Paris depuis quinze jours, j’arrive de Toulouse, mais je ne sens pas du tout ma province. Ainsi pas d’accent, c’est peut-être parce que j’ai été élevé à Dunkerque. Je suis jeune, élégant, millionnaire... Oui, j’ai 15 000 livres de rente... En province, cela suffit pour être millionnaire. Bref, cette fortune me permet d’avoir des amis qui me disent que je suis le plus parisien des Parisiens ! Je le crois. Je m’habille chez le premier tailleur, mon coiffeur est le coiffeur à la mode ! J’ai des princes que je tutoie ; un duc que je conduis ! J’ai tout, enfin, tout sauf l’essentiel. Une liaison qui me pose ! Alors je me suis dit : allons voir la Dubarroy !... Tout le monde m’en parle comme d’une des femmes les plus « chics » de Paris ! Je ne la connais pas, mais elle ne peut être que très bien et puis c’est une de ces actrices qui vous posent tout de suite un homme ! Je m’enquiers de son adresse et me voilà ! C’est très bien ici... Voilà le salon... très chic, et cette porte ?... elle donne sans doute sur la... hum ! nous verrons cela plus tard.

 Scène VI

Édouard, Lucile.

LUCILE, apportant de la musique. – Je vous demande pardon, monsieur, de vous avoir fait attendre. Mais je ne trouvais pas ma musique.

ÉDOUARD, très ému. – Ah ! vous ne trouviez pas... Mais, ça ne fait rien, Mademoiselle.

LUCILE. – Oh ! mais moi, je ne peux pas me passer de musique. ( Elle lui fait signe de s’asseoir.) Prenez donc la peine de vous asseoir.

ÉDOUARD. – Le fait est que la musique est un bien bel art, Mademoiselle.

LUCILE. – Ah ! le plus beau de tous, monsieur. ( À part.) Je veux qu’il ait bonne opinion de moi.

ÉDOUARD. – Je l’adore, moi ! ( À part.) Je flatte ses goûts.

LUCILE. – Les commencements, par exemple, sont bien pénibles.

ÉDOUARD. – Ma foi, je ne me souviens pas d’avoir jamais commencé.

LUCILE, à part. – Il est très fat ! Mais c’est comme tous les artistes. ( Haut. ) Aimez-vous beaucoup Wagner, monsieur ?

ÉDOUARD. – Wagner ? le pharmacien ?

LUCILE. – Le pharmacien ?

ÉDOUARD. – Le pharmacien de Toulouse ?

LUCILE. – Mais non, le musicien.

ÉDOUARD. – Le musicien ? Ah ! oui, Wagner. J’en ai entendu parler... Oui, il paraît qu’il fait de la musique.

LUCILE, à part. – Comment, il paraît...

ÉDOUARD. – Oui, parfaitement, j’en ai entendu parler. ( À

part.) Si j’abordais la question. ( Haut. ) Pardon, Mademoiselle...

LUCILE. – Et Mozart, qu’en pensez-vous ?

ÉDOUARD. – Mon Dieu, je n’y pense pas, Mademoiselle, mais pardon, je...

LUCILE. – Mais alors, monsieur, quel est votre compositeur favori ?

ÉDOUARD. – Hein ?... c’est... Cordillard.

LUCILE. – Cordillard, qui est-ce ça ?

ÉDOUARD. – C’est un de mes amis.

LUCILE. – Ah !

ÉDOUARD. – Oui ! un musicien de talent. C’est l’auteur du

« Chicard de Chicago ».

LUCILE. – Je ne connais pas !

ÉDOUARD. – Ah ! c’est très bien. ( Fredonnant. ) Qu’on a du chic à Chicago

À Chicago, loin du Congo.

Il épate tous les gogos

Voilà l’chicard de Chicago !

C’est très gentil... Mais pardon, Mademoiselle, nous parlons, nous parlons, et pendant ce temps-là, je ne vous explique pas...

LUCILE. – Quoi donc, monsieur ?

ÉDOUARD. – La raison de ma présence ici.

LUCILE. – Ah ! je l’avais devinée tout de suite !

ÉDOUARD. – Ah ! vous l’avez...

LUCILE. – Mais oui.

ÉDOUARD, à part. – Les femmes de Paris sont d’une perspicacité !

LUCILE. – En un mot, monsieur, je vous attendais.

ÉDOUARD, étonné. – Ah ! vous m’att’... Vous me connaissez donc ?

LUCILE. – Moi ? pas du tout ? Mais qu’importe, on fait connaissance.

ÉDOUARD. – C’est vrai l’on... l’on... ( À part.) Cela ira tout seul...

LUCILE. – On dit que vous êtes très à la mode.

ÉDOUARD. – J’ai un assez bon tailleur.

LUCILE. – Mais non, je veux dire que vous êtes très lancé.

ÉDOUARD. – Ah ! parfaitement.

LUCILE. – Vous avez sans doute passé par le Conservatoire.

ÉDOUARD. – Le Conservatoire ?... Ah ! oui, Faubourg Poissonnière ! parfaitement... J’ai passé devant ! ( À part.) Pourquoi me parle-t-elle du Conservatoire ?

LUCILE. – Ne m’a-t-on pas dit que vous aviez eu un premier prix ?...

ÉDOUARD. – Hein ?... Oh ! il y a si longtemps ; j’avais neuf ans, et puis, c’était un prix d’orthographe ! Cela ne vaut 13

vraiment pas la peine d’en parler. ( À part.) Quelle drôle de conversation.

LUCILE, à part. – Il est un peu original.

ÉDOUARD, brusquement. – Mademoiselle ! je m’appelle Édouard Lorillot. Je suis âgé de vingt-cinq ans.

LUCILE. – C’est un bel âge.

ÉDOUARD, avec fatuité. – C’est un très bel âge !

LUCILE. – Cependant, pour ce qui nous intéresse, l’âge fait peu de chose.

ÉDOUARD. – Vous trouvez ?

LUCILE. – Certes.

ÉDOUARD. – Ah ! vous trouvez que... Cependant vous m’avouerez que les jeunes sont préférables.

LUCILE. – Eh ! eh ! les vieux ont plus d’expérience.

ÉDOUARD. – Plus d’expérience, soit ! mais enfin, cela ne suffit pas.

LUCILE. – Je sais bien que l’on dit : « Si vieillesse pouvait ! » mais le proverbe dit aussi : « Si jeunesse savait ! »

ÉDOUARD. – Oh ! mais moi, Mademoiselle, je sais.

LUCILE. – Oh ! je ne parle pas pour vous, monsieur. On n’ignore pas que vous avez fait vos preuves.

ÉDOUARD. – Ah ! vous savez ! Bah ! ne parlons pas de cela !

LUCILE. – D’ailleurs, j’espère bien que vous me le prouverez !

ÉDOUARD. – Moi ?...

LUCILE. – Certainement.

ÉDOUARD, avec transport. – Mais... mais avec bonheur !

Mais quand vous voudrez. Mais n’est-ce pas pour cela que je suis venu ? Si je vous le prouverai ! Ah ! je suis aux anges !

LUCILE. – Eh ! bien, monsieur, qu’est-ce que vous avez ?

ÉDOUARD, brusquement. – Ce que j’ai Mademoiselle ?

Mademoiselle, j’ai de la fortune.

LUCILE. – Oh, alors, c’est uniquement pour l’amour de l’art que...

ÉDOUARD. – Oh ! et de l’artiste, Mademoiselle, et de l’artiste.

LUCILE, saluant. – Monsieur ! ( À part.) Il est très galant.

ÉDOUARD. – En un mot, Mademoiselle, je tiens à vous dire... en passant que je serai très facile sur toutes les questions, comment dirai-je ? sur toutes les questions pécuniaires.

LUCILE. – Mais, monsieur, on a dû vous dire, je suppose, quelles sont les conditions.

ÉDOUARD. – Les conditions ?

LUCILE. – Oui.

ÉDOUARD. – Du tout, on ne m’a rien dit. ( À part.) Elle va m’écorcher.

LUCILE. – Mon Dieu, monsieur, c’est 400 francs par mois à quatre séances par semaine.

ÉDOUARD, ahuri. – Ah ! c’est... c’est à la séance ?

LUCILE. – Oui, monsieur.

ÉDOUARD. – 400 francs par mois. Et voilà tout ?

LUCILE. – Quoi, monsieur, vous ne trouvez pas cela suffisant ?

ÉDOUARD, à part. – Et l’on dit que la vie est chère à Paris.

LUCILE. – Il semblerait que vous n’êtes pas satisfait ?

ÉDOUARD. – C’est qu’en vérité, je suis étonné...

LUCILE. – Ah ! vous m’aviez promis, monsieur, de vous montrer facile et puis, vous savez, si tout va bien ! Eh bien ! je puis vous dire que l’on ne refusera pas une petite gratification à la fin du mois.

ÉDOUARD. – Ah ! bon !... Ah ! très bien !... je me disais aussi... oui, oui, oui. ( À part. ) Connu, les petites gratifications.

LUCILE. – Enfin, voilà, monsieur ! Au reste, ce n’est pas moi qui m’occupe de ces détails d’intérieur et, si vous ne trouvez pas que soit suffisant, eh bien ! vous parlerez à ma mère.

ÉDOUARD. – Aïe ! aïe ! Vous avez une mère ?

LUCILE. – Plaît-il ?

ÉDOUARD. – Je dis, vous avez une mère... une vraie ?

LUCILE. – Je ne vous comprends pas, monsieur ; vous avez bien dû la voir, je suppose, sans cela vous ne seriez pas ici.

ÉDOUARD. – Ah ! oui, oui, en effet. ( À part. ) Je n’ai rien vu du tout.

LUCILE. – Eh bien ! alors, monsieur, vous pourrez vous entendre avec elle.

ÉDOUARD. – Aïe ! Aïe !!

LUCILE. – Pourtant, je doute qu’elle consente à la moindre modification.

ÉDOUARD. – Elle ne consentira pas, vous croyez ?

LUCILE. – J’en suis même à peu près sûre.

ÉDOUARD. – Eh bien ! alors, puisqu’il le faut, Mademoiselle, je me résigne. Va pour 400 francs par mois.

LUCILE. – Et à quatre séances par semaine.

ÉDOUARD. – À quatre séances.

LUCILE. – Allons, voilà qui est bien, monsieur. Et maintenant, si vous le permettez, nous allons commencer.

ÉDOUARD. – Hein !... nous allons... comme ça, tout de suite ?

LUCILE, tout en cherchant un objet qu’elle ne trouve pas.

– Oui, si vous voulez bien. ( À part.) C’est étrange ! Qu’est-ce que j’ai pu en faire ?

ÉDOUARD, à part. – Ah çà ! qu’est-ce qu’elle cherche ?

Il cherche lui-même des yeux.

LUCILE, à part. – Allons, je l’aurai laissée dans ma chambre. ( Haut. ) Je suis à vous, monsieur.

Édouard s’incline. Elle sort.

 Scène VII

Édouard, puis Baptiste.

ÉDOUARD. – Hum ! Cela n’a pas été long ! Ah ! cela se fait militairement dans cette maison. Sapristi ! une, deux, en avant, marche ! voilà le progrès ! Comme on est en retard en province... Enfin, voilà une petite aventure qui va joliment me lancer. Elle est sortie... par là...

Il se dirige vers la porte par où est sortie Lucile.

BAPTISTE, apportant une partition de musique et la remettant à Édouard. – Voici, monsieur.

ÉDOUARD. – Qu’est-ce que c’est que cela ?

BAPTISTE. – C’est un livre que Mademoiselle appelle comme ça

 : « 

Les sonnettes de bête à veine

 » et que

Mademoiselle a dit de remettre à Monsieur.

ÉDOUARD, étonné. – Les sonnettes des bêtes à veine ?

BAPTISTE. – Oui. Ca doit être de la botanique.

ÉDOUARD, lisant. – Ah ! « Les sonates de Beethoven ».

BAPTISTE. – Monsieur croit ? C’est possible ; seulement, ça ne signifie plus rien, alors.

ÉDOUARD. – Mais qu’est-ce qu’elle veut que j’en fasse ?

BAPTISTE. – C’est sans doute pour que Monsieur fasse la lecture.

ÉDOUARD. – Ah ? merci.

Il se dirige de nouveau vers la porte.

BAPTISTE. – Je demande pardon à Monsieur, mais Monsieur sait-il où il va ?

ÉDOUARD. – Mais oui, mon ami, mais oui.

BAPTISTE. – Ah ! c’est que cette chambre...

ÉDOUARD. – Eh bien ! quoi ? Est-ce que par hasard ?

Parle... ( Tirant un louis de sa poche. ) Parle donc, voyons.

BAPTISTE, regardant le louis avec convoitise, à part. – Un louis ! ( Haut. ) Eh bien ! c’est... c’est la chambre à coucher.

ÉDOUARD. – Eh bien ! oui, la chambre, le temple de Vénus, le sanctuaire discret...

BAPTISTE. – Où repose la mère de Mademoiselle, oui, monsieur.

ÉDOUARD, ahuri, remettant le louis dans sa poche.

Hein ! quoi ! c’est la mère ! c’est la mère qui..., mais c’est impossible !

BAPTISTE, à part. – Eh bien ! et ma pièce ! ( Haut. ) Pardon, monsieur.

Il tend la main.

ÉDOUARD, lui donnant une pièce. – Ah ! c’est juste...

Voilà vingt francs.

BAPTISTE. – Mais, monsieur, c’est vingt sous.

ÉDOUARD. – Oui, cela ne fait rien ; gardez-les tout de même.

Baptiste sort.

 Scène VIII

Édouard, puis Lucile.

ÉDOUARD. – C’est la mère, c’est la mère qui..., et moi qui croyais que... Oh ! Oh ! et voilà le renseignement que je paie au poids de l’or !...

LUCILE, tenant une baguette assez longue à la main.

Voici monsieur tout ce que j’ai pu trouver.

ÉDOUARD. – Qu’est-ce que c’est que ça ?

LUCILE. – C’est le bâton !

ÉDOUARD. – Et c’est pour ?...

LUCILE. – Oui, je trouve qu’il n’y a pas moyen de bien jouer sans cela.

ÉDOUARD. – Cela, c’est une drôle d’idée, par exemple.

LUCILE. – Tenez, mettez-vous là ! Prenez une chaise, et battez !

ÉDOUARD, prenant la chaise. – Ah ! il faut que... ( À part.) Elle veut me faire battre les meubles à présent ?

LUCILE. – Allons, tenez ! ( Elle va au piano.) Ah ! je ne suis pas très forte, je vous en préviens.

ÉDOUARD, à part. – Ah ! c’est une épreuve, comme dans la franc-maçonnerie.

ÉDOUARD. – Allons, commençons ! battez !

ÉDOUARD. – Je veux bien, moi. Mais je vous préviens que cela fera peut-être un peu de poussière.

LUCILE. – Comment, de la poussière ? Allons, voyons !

( Elle commence son morceau. ) ÉDOUARD, derrière Lucile, se met à battre les chaises, dont il sort beaucoup de poussière. – C’est égal, c’est humiliant ! enfin.

LUCILE. – Eh bien, monsieur, vous n’allez pas en mesure !

ÉDOUARD. – Mais je fais comme je peux !

Il continue.

LUCILE, se retournant. – Ah ! monsieur, quelle poussière !

Mais que faites-vous ?

ÉDOUARD. – Mais, vous voyez, je bats.

Elle éternue.

LUCILE. – Mais qui est-ce qui vous a dit ?

ÉDOUARD. – Mais c’est vous, Mademoiselle.

LUCILE. – Moi ?

ÉDOUARD. – Vous m’avez dit de battre.

LUCILE. – Eh bien ! oui, la mesure !

ÉDOUARD. – Ah ! la mesure ! C’est la mesure qu’il faut battre ?

LUCILE. – Mais oui ! ( À part.) Quel drôle de professeur !

ÉDOUARD, s’essuyant le front. – Oh ! la, la, la, la la !

LUCILE. – Allons, recommençons !

Elle recommence son morceau et Édouard, derrière elle, bat la mesure tant bien que mal ; insensiblement, il quitte le piano, et tout en continuant à battre, il arrive jusqu’au milieu de la scène.

ÉDOUARD, à part. – Quelle aventure, mon Dieu ! Ah ! tout n’est pas rose dans le rôle de protecteur d’actrices. Être obligé de battre la mesure quand on n’entend rien à la musique... Si mes amis me voyaient, comme ils riraient !...

( Lucile s’arrête et regarde Édouard qui continue à battre la mesure tout en parlant tout seul. ) Je ne lui ai pas demandé de la musique, moi... Eh bien ! me voilà obligé d’avaler un morceau ennuyeux... qu’elle ne joue pas bien, après tout. Ce n’est pas pour cela que je suis venu, moi !... Enfin, je me lance.

LUCILE. – Eh bien ! monsieur, qu’est-ce que vous faites !

ÉDOUARD. – Vous voyez, je bats la mesure.

LUCILE. – Mais il y a longtemps que je ne joue plus.

ÉDOUARD. – Oh ! pardon.

LUCILE, à part. – Allons, il est très distrait.

ÉDOUARD. – Mademoiselle, vous devez être fatiguée ?

LUCILE. – Moi ? pas du tout, monsieur.

ÉDOUARD. – Voyez-vous, la musique est une belle chose, mais il ne faut pas en abuser.

LUCILE. – Mais je ne fais que commencer.

ÉDOUARD, à part. – Comment, elle ne fait que commencer ! ( Haut.) Mais il y en a déjà trop, Mademoiselle, il y en a déjà trop !

LUCILE. – Cependant, monsieur, songez que nous n’avons que quatre séances par semaine et qu’elles ne sont que d’une heure.

ÉDOUARD. – C’est bien pour cela... Si vous me jouez du piano pendant l’heure entière, qu’est-ce qui nous restera pour...

LUCILE. – Pour ?

ÉDOUARD, embarrassé. – Hein ?... pour... pour le reste !

LUCILE, à part. – Allons, je crois qu’il a un petit grain !

ÉDOUARD. – Non, tenez, croyez-moi, laissez votre piano !

Vous aurez bien le temps quand je serai parti. Voyons, fermez cela ! ( Il ferme le piano.) LUCILE, à part, s’asseyant. – Il a une façon de donner sa leçon, par exemple !

ÉDOUARD, s’asseyant près d’elle. – Et maintenant, causons. Chère Mademoiselle – laissez-moi vous appeler ainsi – aimez-vous les huîtres ?

LUCILE, étonnée. – Monsieur !...

ÉDOUARD. – Je vous demande si vous aimez les huîtres.

LUCILE, reculant sa chaise. – Beaucoup, monsieur. ( À

part.) Je ne suis pas rassurée.

ÉDOUARD, tirant son carnet et écrivant. – Alors, nous disons des huîtres !... Et la bisque, hein ! Qu’est-ce que vous pensez d’une bonne bisque ?

LUCILE, un peu inquiète. – Je n’en ai jamais mangé.

ÉDOUARD. – Oh ! c’est excellent ! ( Inscrivant. ) Des huîtres et une bisque, bien !... Et maintenant, qu’est-ce que vous demandez ?

LUCILE. – Mais je ne demande rien.

ÉDOUARD. – Au reste, je ferai tout pour le mieux, rapportez-vous-en à moi.

Il continue à écrire sur son carnet, puis déchire la feuille et la plie.

LUCILE. – Heureusement que sa folie est douce.

ÉDOUARD. – Avez-vous une enveloppe, Mademoiselle ?

LUCILE. – Là, monsieur, là, sur la table.

ÉDOUARD, s’asseyant à la table. – Vous ne faites rien à minuit, n’est-ce pas ?

LUCILE. – Moi ?

ÉDOUARD. – Oui, après le théâtre, ce soir.

LUCILE. – Mais je ne vais pas au théâtre, ce soir.

ÉDOUARD. – Ah ! vous faites relâche ? Ah bien ! Cela vaut encore mieux.

LUCILE, à part. – Et on le laisse sortir comme cela, tout seul !

ÉDOUARD, prend une enveloppe et écrit l’adresse qu’il lit à mi-voix. – M. Brébant, boulevard Montmartre. Voilà qui est fait ! comme cela on nous retiendra le cabinet pour minuit.

( Haut.) Voulez-vous me permettre, chère Mademoiselle, de sonner votre domestique ?

LUCILE, sonnant. – Il va venir, monsieur.

ÉDOUARD. – Je vous remercie.

BAPTISTE, entrant. – Mademoiselle a sonné ?

ÉDOUARD, lui remettant la lettre et une pièce d’argent.

Dites-moi, mon garçon, veuillez remettre cette lettre à un commissionnaire pour qu’il la porte tout de suite à son adresse.

BAPTISTE. – Bien, monsieur.

LUCILE. – Ne t’éloigne pas.

Il sort.

ÉDOUARD. – Allons, ça va bien ! Voyons, de quoi allons-nous causer ?... Tenez, parlons un peu de vous..., de vos succès... Figurez-vous que je n’ai pas encore vu la pièce.

LUCILE. – Quelle pièce ?

ÉDOUARD. – Eh ! La Petite Cabaretière, parbleu !

LUCILE. – Oh ! Mais ce n’est pas une pièce pour les jeunes filles.

ÉDOUARD. – Mais je ne suis pas une jeune fille, moi.

LUCILE. – Vous, non, je le sais bien ! Aussi, n’est-ce pas pour vous que je parle.

ÉDOUARD. – Eh ! tenez, j’irai ce soir.

LUCILE. – Ah ! bien, oui, c’est une idée ! ( À part.) S’il croit que cela m’intéresse.

ÉDOUARD. – Mais, vous savez, c’est uniquement pour vous.

LUCILE, étonnée. – Ah ! c’est pour moi que...

ÉDOUARD. – Oh ! uniquement !

LUCILE. – Vous êtes trop aimable. ( À part. ) Pauvre garçon, c’est triste à son âge !

ÉDOUARD. – Ah ! vous faites joliment parler de vous en ce moment !

LUCILE, stupéfaite. – De moi ?

ÉDOUARD. – Dame ! Tout Paris vous admire ! Votre nom est dans toutes les bouches, tous les journaux vous portent aux nues !

LUCILE, même jeu. – Moi !

ÉDOUARD. – Aussi, ce que vous avez d’adorateurs !

LUCILE. – Oh !

ÉDOUARD. – Ce qu’il y a de cœurs qui brûlent pour vous !

LUCILE. – Monsieur...

ÉDOUARD. – Eh bien ! non, tout cet encens, toutes ces louanges ne vous éblouissent pas ! Vous êtes là, toujours simple, impassible, au milieu de votre gloire et comme insouciante aux choses du dehors. L’orgueil qu’amène souvent la renommée n’a pas de prise sur vous et votre accueil est si charmant qu’on se trouve tout de suite à l’aise en votre présence. Ainsi, tenez, moi, quand je suis venu à vous tout à l’heure, timide et tremblant, vous ne m’avez pas repoussé, vous m’avez accueilli, très bien accueilli, avec de la musique... même beaucoup de musique et, au lieu de l’échec que j’attendais, c’est un triomphe que je remporte ! Je craignais d’être mis dehors et, non seulement je reste, mais encore, vous me faites l’honneur d’accepter un petit souper chez Brébant. Tenez, Mademoiselle, ma chère Mademoiselle..., laissez-moi vous le dire, vous êtes un ange.

LUCILE, effrayée. – Assez, monsieur, assez...

ÉDOUARD. – Eh bien ! non, ce n’est pas assez ! Je suis riche, moi, j’ai de la fortune ! Je veux que vous ayez tout ce que vous désirez ! qu’il n’y ait un de vos caprices qui ne soit immédiatement satisfait !... 400 francs par mois, dites-vous ?

Mais vous en aurez le double ! le triple ! plus que vous n’en voudrez ! Vous aurez des huîtres à tous vos repas, puisque vous les aimez ! Mais vous m’aimerez un peu, moi aussi. ( Lui prenant les mains. ) Dites-moi, n’est-ce pas que vous m’aimerez un peu ?

LUCILE, effrayée. – Ah ! laissez-moi, monsieur !

ÉDOUARD. – Voyons, vous ne me comprenez pas ! Vous n’avez donc jamais lu Roméo et Juliette, Paul et Virginie, Daphnis et Chloé, Héloïse et Abélard ? Eh bien ! voilà ce que je suis, un Roméo sans Juliette, un Paul privé de Virginie, un Daphnis à la recherche d’une Chloé, un Abélard à la... non, ça n’a pas de rapport... Mais enfin, c’est vous que j’ai choisie... C’est vous que j’aime et l’amour m’a rendu fou !

LUCILE, effrayée. – Fou ! J’en étais sûre... Oh ! mon Dieu, que faire ?

Elle recule, effrayée.

ÉDOUARD. – Venez, venez près de moi !

LUCILE. – Ah ! laissez-moi !

ÉDOUARD. – Quoi, je vous fais peur ?

LUCILE. – Ah ! je vous en prie, laissez-moi !

ÉDOUARD. – Mais je ne veux pas vous faire de mal. Mais ne tremblez donc pas comme ça, voyons, qu’est-ce qui peut vous effrayer dans mes paroles ?... Je ne vous dis que des choses très... très logiques, cependant !

LUCILE, tremblante. – Oui, oui, monsieur, très logiques.

( À part. ) Il ne faut jamais les contrarier.

ÉDOUARD, s’asseyant. – Tenez ! Vous le voyez... je suis très calme, je m’assieds !... Là, vous n’avez plus peur, n’est-ce pas ?... Avouez que c’était de l’enfantillage.

LUCILE. – Oh ! monsieur, un pareil discours, à moi !

ÉDOUARD. – Voyons ! C’est donc la première fois que l’on vous parle de la sorte ?

LUCILE. – Oh ! monsieur.

ÉDOUARD. – Il me semble cependant qu’au théâtre...

LUCILE. – Au théâtre ?...

ÉDOUARD. – Dame ! quand on est actrice...

LUCILE. – Actrice ! Qui ça ?

ÉDOUARD. – Mais, vous !

LUCILE. – Moi ! actrice !

ÉDOUARD, soupçonnant la vérité. – Mais dame, oui !...

LUCILE. – Mais jamais de la vie, monsieur !

ÉDOUARD. – Hein ! quoi ! vous... vous n’êtes pas ?...

LUCILE. – Mais pas du tout !

ÉDOUARD, même jeu. – Vous n’êtes pas Mlle Dubarroy ?

LUCILE. – Mlle Dubarroy, quelle idée !

ÉDOUARD. – Oh ! allons, vous voulez rire ! Avouez que vous voulez rire.

LUCILE. – C’est très sérieux, je vous assure.

ÉDOUARD. – Mais alors, je... je ne comprends pas... je perds la tête... Pourquoi suis-je ici ?

LUCILE. – En effet, monsieur, je ne vois pas... je me demande...

ÉDOUARD, s’embrouillant. – Ah ! vous vous demandez ?...

C’est comme moi... je me demande... ça fait que nous nous demandons tous les deux... ( À part. ) Je dois être absolument ridicule.

LUCILE, subitement. – Attendez donc... je crois que je comprends, mais oui, c’est cela !... Je sais que nous avons une actrice pour voisine, ce doit être Mlle Dubarroy, et alors, vous vous serez trompé de maison, voilà. Elle demeure au 2

bis, et ici, c’est le numéro 2.

ÉDOUARD, ahuri. – Ah ! c’est le numéro...

LUCILE. – Deux ! parfaitement !

ÉDOUARD, même jeu. – Ah ! c’est le... en vérité, je n’en reviens pas ! Je me suis trompé d’hôtel et c’est dans celui d’à côté que... tandis que moi, je... Où est mon chapeau ?

LUCILE. – Le voici, monsieur.

ÉDOUARD. – Oh ! Mademoiselle, je suis confus, honteux...

LUCILE. – Mon Dieu, tout le monde peut faire des erreurs, monsieur. Et tenez, moi-même, je vous prenais pour un professeur de piano.

ÉDOUARD. – Professeur de piano, moi ! Mais je ne sais pas en jouer.

LUCILE. – Voilà pourquoi je vous ai fatigué de ma musique, pourquoi je vous ai fait battre la mesure, ce dont vous vous acquittez assez mal, il faut vous rendre cette justice.

ÉDOUARD. – Ah ! c’est que je n’ai jamais été chef d’orchestre, moi, voyez-vous.

LUCILE. – Enfin, monsieur, tout s’explique et tout s’arrange.

ÉDOUARD. – Et je vous fais mes excuses.

LUCILE, saluant. – Monsieur ! et maintenant, je vous rends votre liberté !

ÉDOUARD. – Je comprends, Mademoiselle.

LUCILE. – Mlle Dubarroy demeure à côté.

ÉDOUARD. – Oh ! je n’irai point chez Mlle Dubarroy, je n’en ai plus envie, je vous assure. ( Avec un peu d’émotion. ) Mademoiselle, j’espère qu’un jour ou l’autre, bientôt peut-

être, j’aurai l’honneur de vous être présenté.

LUCILE. – Mon Dieu ! on se retrouve, dans le monde.

ÉDOUARD. – Et que je pourrai ainsi renouer régulièrement une connaissance faite aujourd’hui d’une si étrange façon !

LUCILE. – Je souhaite que le hasard vous vienne en aide, monsieur.

ÉDOUARD. – Oh ! au besoin, ce sera moi qui l’aiderai, Mademoiselle... ( Saluant. ) Mademoiselle !

LUCILE, saluant. – Monsieur.

ÉDOUARD. – Mademoiselle... ( À part.) Allons, j’étais bien venu pour me lancer, mais je n’aurais jamais cru que ce fût dans cet état là !

Rideau

 Audiolivre

Durée : 30 minutes

Écouter la pièce

Avec l’aimable participation de Chantal pour les didascalies.
Donneurs de voix ayant participé au projet :

  • Lucile : Cocotte,
  • Édouard : Lemoko,
  • Baptiste : Prof. Tournesol,
  • Mise en scène et montage : Lemoko.

Références musicales :

  • Ludwig van Beethoven, Sonate n°2 pour piano en La majeur, Op. 2, Allegro vivace, interprété par Wilhelm Kempff (1951, domaine public).
  • Avec l’aimable participation de Corinne Coudret pour les gammes au piano.
  • Divers bruitages extraits de freesound.org

P.-S.