Quiconque n’est pas choqué par la théorie quantique ne la comprend pas.
Niels Bohr [1]
Cette petite histoire est une légende urbaine fort sympathique...

J’ai reçu un coup de téléphone d’un collègue à propos d’un étudiant.
Il estimait qu’il devait lui donner un zéro à une question de physique, alors que l’étudiant, lui, réclamait un 20. Le professeur et l’étudiant se mirent d’accord pour choisir un arbitre impartial... Et je fus choisi.

Je lus la question de l’examen : « Montrez comment il est possible de déterminer la hauteur d’un immeuble à l’aide d’un baromètre ».
L’étudiant avait répondu : « On transporte le baromètre en haut du bâtiment, on lui attache une corde, on le fait glisser jusqu’au sol, ensuite on le remonte et on calcule la longueur de la corde. La longueur de la corde donne la hauteur de la construction. »

L’étudiant avait raison vu qu’il avait répondu juste et complètement à la question. Mais d’un autre coté, je ne pouvais raisonnablement pas lui mettre ses points : dans ce cas, il aurait reçu son diplôme de physique alors qu’il ne m’avait aucunement montré de connaissances particulières en physique.

Je lui ai donc proposé d’avoir une autre chance, en lui donnant six minutes pour répondre à la question, avec l’avertissement solennel que pour la réponse il devait utiliser ses connaissances en physique !
Il accepta, mais après cinq minutes, il n’avait encore rien écrit...
Je lui ai demandé s’il voulait abandonner, mais il répondit qu’il avait beaucoup de réponses pour ce problème, et qu’il cherchait la meilleure d’entre elles. Je me suis excusé de l’avoir interrompu et lui ai demandé de continuer.

Dans la minute qui suivit, il se hâta de me répondre :
« On place le baromètre à la hauteur du toit. On le laisse tomber en calculant son temps de chute avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la bonne formule connue par tous, on trouve la hauteur de l’immeuble. »

A ce moment-là, j’ai demandé à mon collègue s’il voulait abandonner... Il me répondit par l’affirmative et donna presque 20 à l’étudiant.

Quelques heures plus tard, j’ai appelé l’étudiant au téléphone car il avait dit qu’il avait plusieurs solutions à ce problème.

« Hé bien, me dit-il, il y a plusieurs façon de calculer la hauteur d’un immeuble avec un baromètre. Par exemple, on le place dehors lorsqu’il y a du soleil. On calcule la hauteur du baromètre, la longueur de son ombre et la longueur de l’ombre de la construction. Ensuite, avec un simple calcul de proportion, on trouve la hauteur du bâtiment. »

« Bien, lui répondis-je, et les autres ? »

Ce à quoi l’élève répondit : "Il y a une méthode assez basique que vous allez apprécier.
On monte les étages avec un baromètre et en même temps on marque la longueur du baromètre sur le mur. En comptant le nombre de traits, on a la hauteur du building en longueurs de baromètre. C’est une méthode très directe.
Bien sûr, si vous voulez une méthode plus sophistiquée, vous pouvez pendre le baromètre à une longue corde, le faire balancer comme un pendule et déterminer la valeur de
g au niveau de la rue et au niveau du toit. A partir de la différence des deux valeurs de g, la hauteur du bâtiment peut être très facilement calculée.
D’une façon similaire, on attache le baromètre à une grande corde et en étant sur le toit, on le laisse descendre jusqu’à peu près le niveau de la rue. On le fait ensuite balancer comme un pendule et on calcule la hauteur de l’immeuble à partir de sa période de précession.
"

Finalement, l’élève de conclure : "Il y a encore d’autres façons de résoudre ce problème...
Mais probablement la meilleure est d’aller au sous-sol, frapper à la porte du concierge et lui dire : “J’ai pour vous un superbe baromètre si vous me dîtes quelle est la hauteur du bâtiment !”.
"

J’ai ensuite demandé à l’étudiant s’il connaissait la réponse que j’attendais. Il a admis que oui, mais qu’il en avait marre du collège et des professeurs qui essayaient de lui apprendre comment il devait penser.

Pour l’anecdote, l’étudiant était Niels Bohr, prix Nobel de Physique en 1922, et l’arbitre, Ernest Rutherford, prix Nobel de Chimie en 1908.

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L’histoire du calcul de la hauteur d’un immeuble à l’aide d’un baromètre par Niels Bohr est une légende urbaine.
Elle aurait en fait été écrite dans le Reader’s Digest en 1958, et l’histoire se serait transformée au fil du temps en une anecdote supposée réelle, et attribuée à Niels Bohr.

Elle décrit l’inventivité du jeune Niels, pour répondre à un énoncé de physique soumis par un de ses professeurs, des solutions techniquement justes, mais intentionnellement hors sujet.

Les deux protagonistes de cette histoire, Niels Bohr et Ernest Rutherford, ne se sont en fait rencontrés qu’en 1912, pour diverses collaborations scientifiques, et Bohr, à cette époque, n’était déjà plus étudiant.

Notes

[1] Niels Henrik David Bohr (7 octobre 1885 - 18 novembre 1962) est un physicien danois.

Né à Copenhague (Danemark) de Christian Bohr et Ellen Adler, Bohr obtint un doctorat à l’université de Copenhague en 1911. Il fut dirigé par Ernest Rutherford à Manchester (Angleterre). Son frère Harald Bohr fut un mathématicien célèbre.

Se basant sur les théories de Rutherford, il publia en 1913 un modèle de la structure de l’atome. Cette théorie présente l’atome comme un noyau autour duquel gravitent des électrons, les orbites les plus éloignées du noyau comprenant le plus d’électrons, ce qui détermine les propriétés chimiques de l’atome. Les électrons ont la possibilité de passer d’une couche à une autre, émettant un photon. Cette théorie est à la base de la mécanique quantique.

En 1916, Bohr devint professeur à l’Université de Copenhague puis en 1920 directeur du tout nouvel « Institut de la Physique Théorique ». En 1921, il fut lauréat de la Médaille Hughes. En 1922 il reçut le prix Nobel de physique pour son développement des mécaniques quantiques. Il devient membre étranger de la Royal Society en 1926. Il fut également lauréat de la Médaille Franklin en 1926, du Faraday Lectureship de la Royal society of chemistry (Royaume-Uni) en 1930 et de la médaille Copley en 1938.

Bohr est aussi à l’origine du principe de complémentarité : des objets peuvent être analysés séparément et chaque analyse fera conclure à des propriétés contraires. Par exemple, les physiciens pensent que la lumière est à la fois une onde et un faisceau de particules, les photons.

L’un des plus célèbres étudiants de Bohr fut Werner Heisenberg qui devint responsable du projet de bombe atomique allemande durant la Seconde Guerre mondiale. En 1943, Bohr s’échappa du Danemark occupé vers les États-Unis - via la Suède puis Londres - et travailla au Laboratoire national de Los Alamos dans le cadre du projet Manhattan.

Après la guerre, il rentra à Copenhague et milita pour une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, en particulier avec la création du Laboratoire national Risø (Danemark) en 1956, ce qui lui valut d’être lauréat de l’Atoms for Peace Award en 1957.

Il mourut à Copenhague le 18 novembre 1962.

L’élément Bohrium (numéro atomique 107) a été nommé en son honneur.